Femme - Homme à la maison : sur un pied d’égalité ?



En tout temps, le rôle de la femme était central et essentiel au sein de son foyer. Aujourd’hui, et d’autant plus en cette période de confinement, cette place est questionnée et remise en question.


De nombreuses études ont été réalisées sur la répartition des tâches ménagères au sein de couples hétérosexuels. Celles-ci rendent compte, à travers des statistiques, le niveau d’implication des hommes et des femmes dans divers tâches de la vie quotidienne domestique. Plusieurs éléments découlent de ces études qui, même si elles ne sont pas unanimes, peuvent aboutir à des réflexions plus larges sur la condition féminine en matière d’emploi et d’éducation.


Les chiffres sur la répartition des tâches ménagères

On observe, comme c’est le cas dans notre dernier article, qu’il y a eu des avancées pour le droit des femmes ces dernières années. C’est seulement à partir du XXe siècle que les femmes ont pu travailler et percevoir un salaire en contrepartie de leur travail, parallèlement, elles ont obtenu le droit de vote, celui d’ouvrir un compte en banque et le droit de travailler sans demander l’autorisation à leur mari.

Au cours des dernières décennies, on observe ainsi des transformations profondes de société. La culture égalitaire entre les femmes et les hommes prend de l’ampleur et l'organisation domestique est affectée par des évolutions majeures, telles que la montée de l'activité féminine et du niveau d'instruction, ou la réduction de la taille des familles.

Mais le discours ne s’est pas encore traduit partout dans les pratiques, notamment dans la sphère domestique. Selon l’Insee, le temps domestique correspond au temps passé à la cuisine, au linge, aux courses, au ménage, au bricolage, au soin aux animaux, à la couture. Le travail parental englobe les soins aux enfants, les loisirs avec les enfants, le suivi scolaire, les trajets.

Une étude Insee de 2012 constate que la contribution des hommes aux autres tâches domestiques est demeurée stable. En 2010, les femmes effectuent ainsi la majorité des tâches ménagères et parentales – respectivement 71% et 65%. Cette inégale répartition montre des résistances à un partage plus égal des tâches.
https://www.insee.fr/fr/statistiques/1303232?sommaire=1303240
Une situation très inégalitaire est également confirmée en 2019 par un sondage IFOP, dans lequel 73 % des femmes interrogées déclarent en faire plus que leur conjoint.
https://consolab.fr/wp-content/uploads/2019/10/Ifop_Consolab_etude-menages-2019.pdf

Une troisième étude Ipsos et Ariel « les Français et le partage des tâches ménagères » (2018) https://www.ipsos.com/fr-fr/les-francais-et-le-partage-des-taches-quand-la-revolution-menagere nuance ces chiffres et prend en compte l’avis des hommes pour réaliser les statistiques. Plus d’un français sur deux (55%) - et notamment les hommes (63%) - considèrent que les inégalités hommes/femmes en matière de répartition des tâches ne sont plus vraiment un problème au sein du foyer. Cette étude démontre pourtant que, malgré quelques changements depuis 50 ans, la révolution du partage des tâches ménagères n’a en réalité pas eu lieu et semble davantage avoir laissé la place à une « inégalité raisonnable et intégrée » par les femmes et les hommes.


Tâches domestiques et précarité

La récente étude d’Ofxam « celles qui comptent » (janvier 2020) insiste sur les inégalités en matière de soin et de tâches domestiques. Selon cette étude, l’inégal partage du travail domestique et de soin entre les femmes et les hommes est une cause indirecte de la précarité des femmes car il compromet leur indépendance économique au sein du foyer. Les femmes françaises consacreraient en moyenne 3h26 par jour aux tâches domestiques contre 2h pour les hommes. Ménage, cuisine, lessive, gestion du budget, garde d’enfants mais aussi l’assistance à des proches malades ou âgées… la valorisation du travail de soin non rémunéré des femmes en France équivaudrait à environ 14,8 % du PIB français (selon un rapport de l’OIT de 2018). Ce travail n’est ni reconnu, ni valorisé, alors que ces tâches quotidiennes sont essentielles au fonctionnement familial.
https://www.oxfamfrance.org/rapports/celles-qui-comptent/
Véritable frein à l'émancipation, cette répartition inégale des travaux maintient le faible pouvoir d’achat des foyers et entretient les stéréotypes liés au genre.


Tâches domestiques et précarité

Ces différentes études ne sont pas unanimes quant à leurs résultats. Pourtant, aucune ne prend en compte dans la répartition des tâches, c’est ce qu’on appelle le poids de la « charge mentale », on parle également de charge émotionnelle. Le calcul du temps domestique et parental ne prend pas en compte l’énergie qu’il faut pour porter la charge mentale et émotionnelle de ce travail, ni d’autres charges comme toutes les injonctions liées au corps : contraception, normes esthétiques (épilation, etc.). Cette charge mentale est très bien décrite dans la bande-dessinée d’Emma : « Fallait demander »

https://emmaclit.com/2017/05/09/repartition-des-taches-hommes-femmes/

Avec ce nouveau regard, nous pouvons constater que cette charge mentale s’applique en grande majorité aux femmes, comme a pu le raconter avec humour Titiou Lecoq dans son roman « Libérées ». L’égalité dans la sphère privée n’est pas atteignable lorsque seule la femme a la conviction intérieure qu’elle doit s’occuper de tout et tout le monde, et d’elle en dernier.

Par ailleurs, selon le sondage Ipsos de 2018, 68% des hommes trouvent que participer aux tâches du foyer leur confère une image positive d'eux-mêmes.

Probablement parce que c'est ce que la société renvoie à ces « nouveaux pères » et qu'ils assument des tâches moins rébarbatives qui attirent davantage de louanges: faire la cuisine, du bricolage, de l’informatique ou passer le contrôle technique a par exemple plus de chances d'être complimenté que d'avoir passé l'aspirateur ou nettoyé les toilettes. Le travail domestique et familial, répétitif, est socialement invisible et dévalorisé. D’autant plus s’il est réalisé par une femme. C’est l’exemple du papa félicité parce qu’il change des couches, alors que la même tâche faite par une femme est considérée comme normale.

Cet exemple se retrouve également dans le domaine de la publicité, où de plus en plus d’hommes sont mis en avant lorsqu’ils effectuent des tâches ménagères (exemple en image ci-dessous). Ces exemples, qui ont pour vocation de briser les stéréotypes, indiquent également que la réalisation de ces tâches par les hommes n’est pas entré dans les mœurs et ne parait pas encore « normal » aux yeux de la société, c’est pourtant en cours de changement.


Le confinement et ses conséquences

Les tâches telles que nettoyer, faire la vaisselle, prendre soin ou repasser se retrouvent également encore trop peu valorisées dans le monde du travail. Ces métiers que l’on considère comme « indispensables » dans un contexte de crise sanitaire, sont pourtant majoritairement composés de femmes (caissières, préparatrices en pharmacie, infirmières, techniciennes de surface, etc.) et sont très faiblement rémunérées. Cette crise remet en question l’utilité des métiers et renverse la valorisation et la hiérarchie sociale des métiers.

Par ailleurs, le confinement risque d’accentuer les inégalités. Selon Amandine Hancewicz, présidente de l’association Parents et féministes et consultante sur l’égalité femmes-hommes « Il y a une charge mentale et émotionnelle énorme pour faire « tourner » un foyer avec enfants H24. Hors confinement, on peut décharger la tension en sortant, en étant seule, etc. Mais, en confinement, il faut à la fois faire le travail et préserver sa santé mentale, ce qui peut revenir à faire plus pour éviter les tensions. Car négocier pour une meilleure répartition demande de l’énergie et signifie souvent désaccords et tensions. Pour les couples non engagés dans une réflexion sur le partage des tâches avant le confinement, on fait l’hypothèse d’une multiplication des charges pesant sur les femmes. En termes de santé des femmes, on est sur un problème de santé publique, un risque d’épuisement. »

Plusieurs articles liés au confinement sont à retrouver dans le Monde, dont l’interview d’Amandine Hancewicz
https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2020/04/20/nos-vies-confinees-les-femmes-accomplissent-70-en-moyenne-du-travail-familial-et-domestique_6037206_4497916.html
https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2020/03/25/confinement-et-taches-domestiques-une-augmentation-des-inegalites-dans-le-couple-est-a-craindre_6034371_4497916.html

En conclusion, nous pouvons faire un parallèle intéressant entre le rôle de la femme au sein de son foyer et au sein de son travail. Le poids de la charge mentale, la prise en compte de la santé/du bien-être d’autrui, les facteurs d’inégalités et son éducation dès le plus jeune âge auront des conséquences autant dans sa vie professionnelle que dans sa vie privée.