La question du genre et de la mixité à l’école



L’école est un haut lieu de socialisation et donc de développement intellectuel, social et affectif : les élèves y passent environ 30 heures par semaine pendant les 18 ans que dure en moyenne leur scolarisation. Elle est également à l’image de la société : elle est traversée par des inégalités sociales, liées à l’origine sociale ou au sexe, qu’elle peut reproduire. Pour changer durablement les mentalités et déconstruire les stéréotypes de sexe, l’éducation à l’égalité doit commencer dès le plus jeune âge.


1. Une tenue vestimentaire à l’école dérange ?

La polémique a débuté en France lors de la dernière rentrée scolaire en septembre 2020, lorsque le ministre de l'Education Nationale a demandé aux jeunes filles et aux jeunes garçons de porter une « tenue correcte » et non provocante. Or, cette remise en cause de la tenue vestimentaire s’adressait principalement aux jeunes filles : jupes trop courtes, nombrils apparents, décolletés trop plongeants, trop de maquillage… alors que cela pourrait distraire les autres élèves de l’école. Cette annonce a donné suite à un mouvement de colère des lycéennes qui réclamaient le droit de pouvoir s'habiller comme elles l'entendaient.

En effet, le risque de cette annonce était d’avoir un effet culpabilisant à l’égard des jeunes filles. Selon Stéphane Clerget, pédopsychiatre : « Cette histoire de tenue correcte véhicule évidemment l'idée que la personne agressée est coupable. À l'extrême, c'est le viol. Avec l’idée qu’elle a cherché ce qui lui arrive. Ce n'est pas nouveau, malheureusement, mais c'est dangereux. (…)

A l'adolescence, les garçons doivent effectivement contenir leurs pulsions sexuelles. C'est le fondement de la civilisation. On doit se mobiliser sur cette éducation et apprendre à chacun à se contrôler, quelle que soit la personne qu'on a en face. »

Pourtant, que dit la loi sur la tenue dans les établissements scolaires ?

Chaque collège et lycée peut définir ses critères concernant la tenue vestimentaire des élèves dans son règlement intérieur. Cependant, la loi sur la laïcité de 2004 rappelle que « dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. Le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève. »

Selon une autre loi, de 2010, « nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage. »

Ainsi, seul le règlement intérieur propre à chaque établissement peut définir les termes « tenue correcte exigée » en apportant des précisions.

Cette question n’a pas fini de faire couler de l’encre et elle relance de nombreux débats. C’est le cas par exemple du port de l’uniforme à l’école ou bien la création d’écoles non-mixtes comme cela a pu exister (écoles de filles et écoles de garçons). Une autre solution, moins radicale, serait renforcer, voir rétablir, la mixité à l’école, en commençant par les cours d’école et les manuels scolaires.


2. La cour d’école : une solution pour plus de mixité ?

La cour de récréation, en opposition avec la salle de classe, est un lieu où les jeunes sont plus libres de faire ce dont ils et elles ont envie. Or, les stéréotypes sexuels y sont souvent plus marqués : c’est un espace d’activités sportives pour les garçons (football, basketball…) étant souvent localisés au centre de la cour. Les filles, quant à elles, se réunissent en plus petits groupes, utilisent les marges et les recoins de la cour et priorisent des jeux où la compétition et l’agressivité ne sont pas valorisées. La séparation filles-garçons dans la cour d’école est donc bien visible : si, à la maternelle, elle reste un peu floue, elle s’accentue avec l’âge des enfants. Il est donc important de mettre en place des stratégies qui favoriseront la mixité filles-garçons ainsi qu’un partage équitable de l’espace physique.

Edith Maruéjouls, directrice du bureau d’études L’ARObE (L’Atelier Recherche Observatoire Egalité), accompagne actuellement des villes sur des projets d’écoles égalitaires. Pour elle, « penser une école égalitaire, c’est d’abord repenser la cour de récréation pour en faire soit un miroir de la société, soit un espace de changement. Vouloir le changement c’est rétablir la mixité, rétablir la relation entre les filles et les garçons, c’est combattre la norme et réinjecter certaines valeurs ».

Ses études montrent que la cour de récréation est souvent le lieu d’expression de la domination masculine. S’il est difficile de modifier une cour d’école déjà en place, il existe une activité de géographie sociale qu’on peut réaliser avec les élèves pour leur permettre de prendre conscience de leur occupation différenciée de l’espace selon le sexe. Voici une vidéo qui explique ce concept : https://matilda.education/app/course/view.php?id=218

Le but de repenser les espaces tels que la cour de récréation serait de favoriser des relations égalitaires entre filles et garçons et amener les enfants à jouer à des jeux non traditionnellement associés à leur sexe. Cela ne veut pas dire, de supprimer les terrains de football dans l’ensemble des cours où ils sont présents, mais plutôt de faire de la place à d’autres activités pour apprendre à partager cet espace.

Pour en savoir plus : http://www.genre-et-ville.org/comprendre-les-inegalites-dans-la-cour-decole-par-edith-maruejouls/


3. Les manuels scolaires : un vecteur de stéréotypes ?

En 2017, Le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) a publié un rapport sur l'école et sur les stéréotypes sexistes nommé « Formation à l’égalité filles-garçons : faire des personnels enseignants et d’éducation les moteurs de l’apprentissage et de l’expérience de l’égalité ». En effet, les stéréotypes sont encore trop présents dans l'enseignement. Le HCE déplore notamment que les enseignant.e.s ne soient pas assez formé.e.s et informé.e.s pour aborder concrètement les questions de sexisme et d'égalité des sexes avec leurs élèves.

Les manuels scolaires sont particulièrement ciblés par cette critique car, dès le plus jeune âge des enfants, ils cantonnent encore souvent les femmes à des rôles secondaires et traditionnels. Il suffit en effet d'ouvrir le livre d'un élève de primaire pour constater des clichés comme : "Papa travaille, maman fait la cuisine". Selon cette étude, on observe qu’au CP, dans les manuels, 67% des sportifs sont des hommes, et 70% des personnages s'occupant des tâches ménagères sont des femmes. Une représentation désuète qui s'ancre pourtant dans la tête des élèves.

Il en va de même pour les auteurs étudiés. Chaque année, à la période du bac, les féministes dénoncent le manque de textes féminins étudiés lors de la scolarité des élèves. Les livres à étudier pour le bac de français, par exemple, sont très majoritairement écrits par des hommes.